Comment faire face au problème de l'incertitude morale ?

Si le scepticisme moral, qui consiste à suspendre notre assentiment et à nous abstenir de juger,
est une étape nécessaire en ce qu'elle rompt avec l'illusion dogmatique du sens commun, est-il toutefois pratiquement tenable ?

Si d'un point de vue théorique, le scepticisme peut apparaître comme rationnellement cohérent et rigoureux, du point de vue pratique en revanche, c'est-à-dire celui de l'action, il paraît constituer une position pratique intenable, car il nous faut bien continuer de vivre et d'agir. Plus grave encore : refuser de choisir, ce serait courir un risque, celui de l'irrésolution, qui consiste à s'empêcher soi-même d'agir, parce que notre esprit balance, hésite sans cesse entre des partis contraires . Or l'irrésolution ne nous porte-t-elle pas ainsi à laisser faire le mal, faute d'avoir cherché à agir en quelque façon pour l'empêcher, par inaction, passivité ou lâcheté : n'est-elle pas la pire de toutes les fautes morales ?

En un mot, il nous faut nécessairement choisir. Comment faire, dès lors, en situation de totale incertitude ?

Toute la difficulté est là : l'action ne souffrant point de délai, il nous faut des règles d'action ; nous avons besoin d'une morale, dans une situation où cependant aucune certitude morale ne nous est acquise, et dans l'attente que peut-être un jour de telles certitudes puissent être atteintes, avec le risque qu'elles viennent remettre en cause, voire annuler, la validité des principes moraux que nous avions décidé de suivre dans leur attente.

C'est cette contradiction inhérente à la condition humaine et à ce défi que Descartes se confronte, dans la troisième partie du Discours de la méthode (1637), celui d'avoir à constituer une morale provisoire.